Nouvelle Évangélisation et modernité
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BERGAME, Italie – Le père Battista CORTINOVIS, SMM à presque 80 ans est toujours un directeur dynamique de « L’Apôtre de Marie » en Italie, revue montfortaine mariale et missionnaire qui se signale pour son ampleur internationale et son attention aux thèmes de la modernité. Dernièrement il a publié cet article sur la nouvelle évangélisation en Europe qui peut intéresser notre réflexion dans toute latitude du monde.
« Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création » (Mc 16,15). C'est la mission que Jésus confie à ses apôtres. Comme pour souligner les difficultés d'un tel projet, Jésus lui-même a dit un jour : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? (Lc 18,8).
Aujourd'hui, il semble difficile pour certains de donner une réponse positive à la question. Les statistiques et les recherches sociologiques enregistrent un déclin et une quasi-disparition des pratiques religieuses, dans un climat marqué par la sécularisation, la laïcité, l'athéisme, ou du moins par l'indifférence religieuse. Et ils blâment les idéologies hostiles à la religion.
Face à ce phénomène, il y a ceux qui pensent devoir lutter pour l'réaffirmation de l'Évangile, estimant qu'il s'agit d'une crise momentanée et surmontable, en vue de remettre le Christ au centre de la vie et de la culture moderne. Et il y a ceux qui considèrent au contraire le processus de sécularisation comme irréversible, face auquel il n'est pas nécessaire d'avoir une attitude de condamnation et de rejet, mais une ouverture dans le discernement et l'attention aux signes des temps.
À partir du deuxième après-guerre mondial, il y a eu dans la société européenne et nord-américaine de profondes transformations culturelles, économiques et sociales qui ont conduit à une déchristianisation : l'explosion des moyens de communication et de la technologie scientifique, l'urbanisation, les transformations des conditions de travail, la diffusion du bien-être, consumérisme.
Dans la vie quotidienne des gens, de profonds changements se sont produits, au point de modifier leur relation avec Dieu.
Pour continuer à annoncer l'Évangile, dans un tel contexte, il est nécessaire de changer de mentalité. Dans le processus qui a vu beaucoup de monde s’éloigner de l’Église, en particulier les jeunes, une fermeture préjudicielle à l’égard de la modernité a pris du poids, très souvent au sein des institutions de l’Église.
Au contraire, il est possible même dans la modernité bâtir des communautés chrétiennes capables de vivre le message évangélique et, avec l'humilité de la Parole de Dieu, d'entrer dans le cœur de l'homme moderne, témoignant que les valeurs chrétiennes peuvent être vécues pleinement même dans une société complexe et techniquement avancée. Il s'agit d'apprendre à être proche de gens dans les différentes situations de la vie, à l'exemple de Jésus qui accompagne les deux disciples d'Emmaüs: « Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux » (Lc 24,15).
L’Église d’Europe se trouve dans une position d’avant-garde, car les transformations socio-culturelles et économiques qui ont provoqué la crise religieuse, tôt ou tard s'étendront aussi à d'autres pays du monde et leurs Églises se trouveront face au défi d'annoncer l'Évangile dans des sociétés déchristianisées. Cela s'est déjà vu ces dernières années dans les pays d'Europe de l'Est, où le même phénomène se produit aujourd'hui.
Le sens à donner à l'expression « nouvelle évangélisation » : plus qu’annoncer l'Évangile "de nouveau" et comme toujours, il s’agit d’annoncer l'Évangile "d'une manière nouvelle", où les contenus de base du message sont toujours les mêmes mais leur inculturation est différente, en exigeant le discernement dans l'Esprit, pour interpréter les signes des temps, qui varient et exigent une nouvelle lecture et un nouveau langage, pour aboutir au témoignage évangélique, point d'arrivée de tous les temps.
«La deuxième évangélisation de l'Europe doit être nouvelle, au sens d'une évangélisation radicalement renouvelée par rapport à ce qui fut la première, [car] elle se déroule dans une situation postchrétienne et dans un climat culturel profondément différent de celui dans lequel la première évangélisation a été mise en œuvre, et nécessite donc des méthodes et des moyens différents de ceux utilisés dans le passé » (Civiltà Cattolica, IV, 1991, pp. 325ss).
Dans la nouvelle évangélisation il faudrait faire attention que les contenus soient présentés dans une façon plus essentielle, débarrassée des incrustations qui étouffent leur simplicité et leur efficacité. Avec plus d'optimisme, de joie et de sérénité ; avec plus de positivité envers la modernité, mais pas naïveté envers les puissances du mal. Avec plus d’adhérence aux besoins concrets des chercheurs de foi et moins de solutions préemballées. Jésus a guéri les malades, libéré les sentiments de culpabilité, suggéré la confiance dans la vie, soutenu de bonnes aspirations. L’évangélisation doit redécouvrir ce pouvoir du bien. Revenir à Jésus de Nazareth, qui parlait aux foules avec sagesse venant du cœur. Et tout le monde l'écoutait avec admiration et le suivait.
Il faudrait tenir compte de l’évolution dans les manières de vivre la foi, avec moins de présence physique et plus de participation à distance. Célébrations et débats religieux qui viennent à la maison par les médias, lecture des journaux pour connaître la vie de l'Église, lectures pour approfondir les données de la foi et de la morale, messages sociaux qui mesurent les réactions aux événements joyeux ou tristes de l'Église. La modernité adopte des modes de vie et des relations différents de ceux du passé. Une voix à écouter et à soutenir aussi dans la manière de vivre et d'exprimer sa foi.
Même au niveau de la liturgie la voix de la modernité demande d'adapter le langage, d’aider à comprendre les signes et des symboles, des paroles et des gestes liturgiques. Les experts en communication peuvent aider à trouver les meilleures solutions pour que la foi chrétienne puisse s'exprimer publiquement dans une profession authentique des valeurs évangéliques.
P. Battista CORTINOVIS, SMM
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