Crise politique en Haïti

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Crise politique en Haïti

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Publié par P. Maurice Piquard, SMM dans Haiti · Jeudi 14 Nov 2019
Tags: NUHAI601
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Haïti - Genèse de la crise actuelle
   
HAÏTI - En février 2019, de violentes manifestations ont éclaté en Haïti. La mobilisation, baptisée « opération pays lock » (« pays bloqué »), a paralysé l'ensemble des activités économiques et commerciales. A travers tout le pays, des citoyens protestaient -assiettes vides à la main - contre la corruption et la vie chère, et pour cause : fin février 2019, le taux d'inflation a passé la barre des 17%, un record en 10 ans. A la flambée des prix, s'ajoute la dévaluation de la monnaie nationale, la gourde, face au dollar américain. Cette conjoncture économique a de lourdes conséquences sur le quotidien des Haïtiens. Toute la société en est affectée.
 
Les manifestations réunissent plusieurs milliers d’Haïtiens qui réclament la démission du président Jovenel Moïse, accusé par la Cour supérieure des comptes d’être dans l’engrenage d’un stratagème de détournements de fonds. De violentes échauffourées opposent des groupes de jeunes aux forces de l’ordre. Les juges de la Cour des comptes ont publié un rapport de plus de 600 pages sur l’utilisation du fonds Petrocaribe, un programme de développement parrainé par le Venezuela, qui se révèle être un mauvais exemple de corruption. A la capitale et à travers le pays, des dizaines de bandes armées font régner la panique. Des rafales de tirs à balles réelles résonnent à tout instant du jour et de la nuit dans différents quartiers.
 
L’appel à un assainissement des institutions nationales est partagé par le secteur catholique.
 
Le pays connait de violentes manifestations contre le pouvoir ; on ne compte plus les  morts, victimes des débordements. Ces émeutes ont entraîné mi-mars la chute du gouvernement et depuis, le processus politique pour installer un nouveau cabinet est bloqué par le Parlement. Sans ministres en fonction, sans budget voté pour l’année fiscale en cours, Haïti est également menacée par une crise constitutionnelle car la tenue d’élections législatives ne peut avoir lieu. Cette fragilité aggrave la crise économique à laquelle le pays fait face. Avec une inflation dépassant les 17 %, couplée à une forte dévaluation de la monnaie nationale, les besoins humanitaires des familles les plus vulnérables s’amplifient, le pays s’enfonce plus encore dans la misère et la colère enfle depuis des mois.
 
Les engagements du président Jovenel Moïse n’ont pas été tenus. "Mal élu" en février 2017 par 12 % des électeurs (21 % avaient voté), il avait promis du courant 24 heures sur 24, à manger, de l’argent dans les poches, il devait développer l’agriculture, et voilà que le peuple a faim, et on sait que "la faim fait sortir le loup du bois".
 
La ville de Port-au-Prince, conçue pour 300 000 habitants, en compte plus de 3 millions… la périphérie est constituée des « quartier sans » : sans eau, sans électricité, sans services, sans État, comme ces nombreux bidonvilles de cartons et de tôles rouillées du bas de la ville, ou les "bétonvilles" de parpaings avec dalles qui encerclent les beaux quartiers de Pétion-Ville sur les collines de Port-au-Prince, depuis que le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a détruit la ville basse historique, restée depuis lors largement en ruine et aux mains de gangs armés. Des quartiers sans, il y en a partout à la périphérie des villes où plus des trois quarts de la population vivent dans des conditions misérables, tandis que des familles fortunées se barricadent derrière des murs d’enceinte surmontés de fils de fers barbelés, quand elles ne se replient pas sur leurs bases arrière en Floride.
 
Voici plusieurs mois que le pays est à l’abandon, les désordres continuent de plus belle, les rues de la capitale sont jonchées de déchets et de gravas.
 
Les lendemains sont toujours incertains, les écoles ne fonctionnent pas, et du coup, le pays reste bloqué ("lock"). Même si un calme apparent revient certains jours, le pays est malade grave ! Les violences reprendront régulièrement tant qu'une solution politique ne sera pas trouvée. De crise en crise, Haïti recule encore, et nul ne sait jusques à quand !
 
Les manifestations ont lieu partout, à la capitale, surtout du côté de l'aéroport, et en direction du Champs de Mars et de Pétion Ville et Tabarre, et dans des villes de province. Les rares fois où le président a pris la parole officiellement, il a mis de l'huile sur le feu, et partout les effets de la crise se font sentir, les gens n'ont plus de provisions, et le fait que les écoles ne fonctionnent pas bloquent beaucoup d'autres activités : transports, petites marchandes, markets, banques, etc. Les transports publiques sont réduits au minimum du moment que les élèves ne vont pas à l'école... etc. Les jours "ouverts" parfois en weekend, les supermarchés gardent fermée leur porte d'entrée, on entre et sort par la sortie par mesure de sécurité, c'est plus rapide à fermer en cas d’alerte. Même chose pour les banques.
 
Ceux qui manifestent sont des jeunes désœuvrés des bidonvilles de la Saline et de Cité Soleil principalement, ils sont des dizaines de milliers disponibles pour remplir les rues en direction des institutions de l'Etat (Champs de Mars) ou des résidences des ministres (Pétion Ville)... quand on sait que la population de Cité Soleil dépasse 300 000 habitants, c'était la population prévue à l'origine pour la capitale qui en compte près de 4 millions. Trop de frustrations engendrent plus de violence partout.
 
La Conférence des évêques d’Haïti (CEH) a dit son mot.
"Existe-t-il une violence plus atroce que celle de vivre constamment dans l’insécurité ? Y a-t-il pire que la misère noire qui enlève tout espoir ? Aucun peuple ne doit accepter la misère, la pauvreté et la violence de manière défaitiste. Les plus hauts responsables de l’État doivent assumer leurs responsabilités pour garantir la bonne marche du pays et des institutions ; ils sont moralement responsables de la sécurité et du bien-être de la population. Et, en premier lieu, le président de la République" ont écrit  les évêques catholiques dans une prise de position publiée il y a une quinzaine de jours. "Si le pays est à feu et à sang, c’est à cause de leur irresponsabilité. Comment peuvent-ils ne pas savoir ce que tout le monde sait ? Dans un sursaut de prise de conscience qu’ils mesurent l’ampleur de leurs échecs accumulés et en tirent les conséquences. C’est maintenant qu’ils doivent agir pour changer la vie en Haïti. Demain sera trop tard. Malgré nos appels répétés depuis bientôt deux ans, les actuels dirigeants, élus et responsables politiques d’Haïti restent sourds, occupés à gérer leur pouvoir, leurs privilèges et leurs intérêts mesquins. Pendant ce temps, certains secteurs continuent de s’enrichir sur le dos des pauvres qui ne peuvent ni manger ni payer la scolarisation de leurs enfants". Les évêques appellent le peuple à s’unir « pour dérouter l’insécurité, la corruption, l’impunité, la violence et tous les germes de mort. Dieu nous a créés pour la vie. Pour cela, nous avons le droit d’exister et de vivre dignement. C’est comme si nous étions en état de guerre fratricide. Nous en sommes arrivés là à cause du comportement des élus et des dirigeants. Ce n’est plus le moment de clamer que nous sommes tous coupables. Ce n’est pas la vérité. Ni de dire que nous condamnons la violence d’où qu’elle vienne ; elle a une origine."
 
10 novembre : Il n'y pas vraiment de proposition de sortie de crise pour l'instant. Les membres de différents groupes de l’opposition se sont réunis pendant le weekend passé pour en proposer une, mais déjà des citoyens émettent des doutes sur ceux qui sont pour la plupart acteurs et bénéficiaires du système corrompu. Le changement tant souhaité ne sera pas facile avec eux.
  
La crise s'éternise et les gens sont aux abois, même ceux qui ont ordinairement une petite activité qui leur permet de vivre au jour le jour, n'ont plus rien en raison des nombreux jours de "pays lock" (fermé), jours marqués par les barrages partout en ville comme sur les routes de province, des bandes armées faisant la loi, et la population des jeunes des bidonvilles de la Saline et de Cité Soleil est trop facilement et rapidement mobilisable pour les manifs. Le président Jovenel ne pense plus désormais qu'à assurer sa propre sécurité.
 
Les écoles fermées privent de leur travail et de leur salaire des milliers de professeurs et d'instituteurs et des milliers de "petites marchandes" qui vendent aux élèves leur lunch quotidien ; les transports publiques sont très au ralenti, étant donné que nombre des utilisateurs sont les gens des écoles et de tout ce qui tourne autour des écoles.
 
Le pays n'a pas eu cette année de séisme ni de cyclone, le voilà à nouveau dans la tourmente. Pas étonnant que certains imaginent qu'une malédiction plane sur ce pauvre petit pays !
 
 
P. Maurice Piquard, SMM









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