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Blain - Intoduction

Life > Blain

DOCUMENTS ET RECHERCHES
II
 
 
JEAN-BAPTISTE BLAIN
 
ABREGE DE LA VIE
DE LOUIS-MARIE GRIGNION
DE MONTFORT
 
Texte établi, présenté et annoté
par Louis Pérouas
 
CENTRE INTERNATIONAL MONTFORTAIN
00135 Roma - Viale dei Montfortani, 41
1973



 
INTRODUCTION
 
Le 28 avril 1716, mourait, à Saint-Laurent-sur-Sèvre, Louis-Marie Grignion de Montfort, missionnaire apostolique. En Poitou comme en Haute-Bretagne, dans les campagnes et les faubourgs qu'il avait évangélisés, plus encore dans certains milieux de notables dont il avait gagné la sympathie ou... l'antipathie, la nouvelle de sa mort eut une réelle résonance [1].
 
Dès 1718, Maître Arot, avocat au Parlement de Bretagne, avait été sollicité de préparer une biographie du missionnaire. Pour ce faire, il avait reçu ou demandé des témoignages. Mais, en octobre 1719, surchargé par ses obligations professionnelles, il remettait sa documentation à un prêtre du diocèse d'Angers, Joseph Grandet[2]. Celui-ci, dont la plume était déjà entraînée à présenter les «saints prêtres français du XVII° siècle », entreprit de construire une véritable biographie. Il demanda des détails ou des mémoires sur son héros, voire des écrits de celui-ci, à la famille Grignion, aux Sulpiciens de Paris, aux communautés montfortaines qui naissaient alors à Saint-Laurent-sur-Sèvre, aux condisciples de séminaire et aux compagnons de missions du père de Montfort. Parmi les documents ainsi sollicités, deux surtout s'imposent par l'ampleur et la qualité du témoignage fourni, celui de Pierre Arnaud des Bastières, prêtre du diocèse de Nantes, qui avait travaillé avec le missionnaire entre 1708 et 1716, et celui de Jean-Baptiste Blain, chanoine de Rouen et futur biographe de Monsieur de La Salle, qui, entre 1684 et 1700, avait été condisciple de Louis-Marie à Rennes, au collège, puis à Paris, au séminaire.
 
Presque tout oppose ces deux témoignages qui émanent, tous les deux, de témoins directs, de confidents même du défunt. Alors que le premier auteur paraît s'être contenté de rapporter, comme un métal brut, dans une prose simple et même ingénue, des faits précis auxquels il avait participé, le second enveloppe ses souvenirs dans une composition structurée, dans un discours assez oratoire, dans un style abondant, emphatique, souvent pesant, parfois disgracieux et compliqué. Le titre même de Blain, «Abrégé de la vie de... » peut prêter aujourd'hui à confusion : si le terme d'Abrégé signifie bien, selon une acception d'époque, une biographie incomplète, non exhaustive, il ne doit pas cacher que le chanoine se laisse aller à des digressions qui enflent son texte. Pourtant, malgré tout cela, Jean-Baptiste Blain, mieux que Pierre des Bastières, nous livre, au-delà des faits qu'il rapporte, un témoignage irremplaçable sur la personne même de Monsieur Grignion : «moi qui l'ai connu à fond plus que personne»[3]. La différence ne sera pas moins grande entre le sort des manuscrits des deux auteurs : tandis que le mémoire du compagnon ne nous est plus connu que par des citations, explicites ou implicites, incluses dans la biographie de Grandet, la production de l'ami de jeunesse, écrite seulement en 1724, arriva alors que la biographie de Grandet était déjà imprimée[4]. Cela lui valut de demeurer manuscrite jusqu'au XXI siècle. Une première publication en fut faite, par tranches, dans la Revue des prêtres de Marie Reine des cœurs, années 1925 et 1926. Le renouveau des études montfortaines appelait une véritable édition de ce mémoire qui présente un intérêt assez particulier.
 

LE TEXTE DE BLAIN
 
En réalité, nous ne possédons pas de mémoire écrit de la main même de Blain. Normalement le texte original dût être envoyé à Joseph Grandet, mais il ne se retrouve pas dans les papiers de ce dernier. Aux archives de la Compagnie de Marie (Montfortains), à Rome, subsistent deux manuscrits du XVIII° siècle, dont l'écriture diffère entre eux, comme elle diffère aussi de celle de Blain, telle que nous pouvons la connaître par quelques pièces[5]. Selon toute vraisemblance, ces copies - au minimum l'une d'entre elles - furent apportées à Saint-Laurent-sur-Sèvre, après la mort de Blain (1751), par Charles Besnard, le premier auteur qui cite des passages de Blain. Ce montfortain nous assure, vers 1770, que, pour composer une biographie de son fondateur, il se transporta «dans presque tous les lieux» où Montfort avait travaillé, qu'il mit à profit «tous les écrits... laissés » par des témoins déjà morts[6].
Entre les deux copies de l'Abrégé, on relève des variantes nombreuses, souvent insignifiantes, parfois importantes. L'un des manuscrits, de 359 pages, présente une écriture très lisible, une orthographe assez régulière, et comporte certaines modifications postérieures. Dans l'autre manuscrit, qui compte 255 pages, l'écriture est moins lisible, l'orthographe assez fantaisiste. Si on considère ces deux copies d'un point de vue externe, la première présente plus de garanties : d'une part, à la page 200, des ratures sont indiquées comme faites «suivant l'avis de Mr. Blain» lui-même ; d'autre part, C'est à cette même copie que Besnard emprunte les passages de Blain qu'il cite dans sa biographie de Montfort[7]. C'est pourquoi nous l'appellerons Copie A, laissant pour l'autre manuscrit la lettre B. Si on étudie les deux manuscrits en eux-mêmes, on se demande d'abord lequel est antérieur à l'autre. Tel détail suggère une antériorité sans doute assez faible - du manuscrit A par rapport au B, ce qui ne signifie pas que ce dernier ait été copié sur l'autre[8]. Mais surtout l'étude de ces deux copies amène à déceler toute une évolution du texte même de Blain.
 
Les deux copies portent, dans les marges, en plus des titres des subdivisions, des indications concernant des personnes, des lieux, des dates, des sources ; on a bien l'impression que ces précisions ont été ajoutées au premier jet de la rédaction, pour compléter un texte qui était extrêmement avare de précisions. Or, dans les deux manuscrits, ces indications sont écrites de la même main que l'ensemble du texte. A travers ces précisions portées en marge, ne pouvons-nous pas entrevoir une évolution du texte antérieure aux deux copies elles-mêmes ?
L'évolution du texte va se produire après la confection de ces deux copies, par diverses additions, ratures, corrections. Ces modifications, inexistantes sur le manuscrit B qui paraît statique, fait une fois pour toutes[9], sont portées, en des écritures différentes, sur le manuscrit A. Si on met à part certaines corrections dont la brièveté empêche d'identifier l'origine, nous trouvons une quinzaine de modifications qui sont ou semblent bien être contemporaines de Blain. C'est le cas pour les additions marginales des pages 284, 320, 327 faites de la même encre et écriture; la troisième nous rapporte à Blain lui-même : «Le Père Dutemps... m'a dit». C'est le cas aussi pour les ratures, corrections et additions des pages 200, 218, 227, 229, 230, 240, 242, 248, 323, 348, 353, qui s'apparentent entre elles, soit par le mode de rature, soit par l'écriture ; la page 200 nous donne une clé qui vaut sans doute pour l'ensemble de ces modifications : «Pour ne pas offenser ceux qui succèdent aux dénommés, j'ai rayé ces lignes, suivant l'avis de Mr. Blain... » De telles censures pourraient se situer dans les années après 1733, au moment où le chanoine de Rouen se vit critiqué pour avoir, dans la biographie de Jean-Baptiste de La Salle qu'il venait de publier, «parlé sans ménagement de plusieurs personnes respectables, et en particulier contre des ordres ou congrégations qui ont toujours édifié l'Eglise »[10] ; or la plupart de ces modifications visent à effacer les noms de membres de la Compagnie de Jésus ou de Saint-Sulpice qui n'avaient pas agréé Monsieur de Montfort. Il faut enfin signaler une autre modification, de toutes la plus longue : les pages 259-262 sont, non seulement d'une encre et d'une écriture différentes, mais sont portées sur un papier dont le filigrane est autre que l'ensemble du manuscrit. Indiscutablement on a substitué aux deux feuilles originelles (dont on retrouve le texte, plus court, sur le manuscrit B) deux nouvelles feuilles qui, dans une écriture plus serrée, portent un texte plus long que les pages primitives. Cette substitution, qui vise à intégrer un complément d'information, a aussi toute chance de s'originer à Blain lui-même qui, renseigné par deux témoins nouveaux, sur un fait qu'il avait déjà rapporté, aura voulu mettre au point son mémoire.
 
A cause de cette évolution, nous avons, pour la présente publication, résolument choisi la copie A ; nous indiquons, en note, les passages où la copie B paraît nettement meilleure. En publiant cet Abrégé, nous visons tout à la fois à rendre sensible cette évolution et à fournir des pages qui soient lisibles aujourd'hui. Pour ce dernier objectif, nous avons corrigé l'orthographe, même celle des noms propres, nous avons développé les abréviations et refait la ponctuation, jusqu'à diviser certains paragraphes. Les mots qu'il nous a semblé nécessaire d'ajouter, ici ou là, pour une meilleure compréhension du texte, sont portés entre crochets. Pour rendre sensible l'évolution même du texte, nous avons laissé dans la marge les précisions qui s'y trouvent (sauf les titres des subdivisions, insérés entre les paragraphes) ; nous avons porté en petits caractères les mots ou passages qui ont été raturés sur le manuscrit ; au contraire, nous avons mis en italique les mots ou passages écrits postérieurement à l'ensemble du manuscrit. Pour faciliter le recours à l'original et pour fournir un système de références commun avec d'autres éditions éventuelles, nous avons placé, dans le texte même, la pagination du manuscrit lui-même. Un ensemble de notes veut apporter, en plus des corrections qui semblent utiles au texte même de Blain, des précisions sur les personnes et les lieux cités, sur les dates des faits rapportés, des indications sur les institutions mentionnées, les références des citations explicites ; à l'occasion, elles essayent de dégager la trame d'un texte parfois embrouillé ; enfin elles apportent des corrélations avec d'autres sources d'époque, voire avec des travaux postérieurs, qui permettent de confirmer, de compléter, de nuancer, de corriger les dires de Blain[11]. Même ainsi présenté, l'Abrégé ne se comprend dans son fond et ne livre son intérêt particulier de témoignage direct sur Grignion de Montfort, que dans la mesure où on arrive à mesurer la valeur de l'information dont Blain s'est servi.
 

L'INFORMATION DE BLAIN
 
A la différence de ce qu'il fera pour Jean-Baptiste de La Salle, le chanoine Blain n'a pas, pour écrire sur son condisciple Louis-Marie, utilisé ou recherché une abondante et minutieuse documentation. Il s'est contenté d'ajouter les nouvelles éparses qu'il avait recueillies sur son ami, à ce qu'il savait de sa propre expérience. Il semble avoir cherché à produire des pages plus cordiales que précises, les précisions paraissant ajoutées après coup. Aussi est-il d'autant plus nécessaire d'examiner les limites et la qualité de son information.
 
Jean-Baptiste Blain était né, le 22 octobre 1674 (soit près de 21 mois après Louis-Marie), à Rennes, rue de la Charbonnerie. Nous ne savons rien sur la condition sociale de sa famille ; si on en jugeait par la profession de son parrain - un maître tailleur d'habits - on serait porté à penser que cette condition était plutôt modeste, mais l'indice est trop faible pour en tirer une conclusion[12]. Il entra au collège des Jésuites de Rennes, en 1684, avec Louis-Marie, puisqu'il fit avec lui toutes ses humanités, puis sa rhétorique et sa philosophie. Mais sur les cinq années d'humanités, il ne donne aucune indication, car, dans une classe de 400 élèves, il ne connaissait alors pratiquement pas le jeune Grignion qui «n'avait presque aucun commerce avec les autres écoliers »[13]. Sans doute apprit-il, par la suite, quelques détails sur l'adolescence et même sur l'enfance de son ami, soit de Louis-Marie lui-même, soit de Mr. Sellier, un prêtre de Rennes, du Père Descartes, un jésuite, surtout de Mr. Alain Robert, prêtre et oncle maternel de Louis-Marie, trois témoins de premier plan qu'il rencontra, vers 1712, lors d'un voyage à Rennes ; mais il reste malheureusement très discret sur ces détails, en partie parce que le biographe Grandet devait posséder un mémoire (aujourd’hui perdu) de l'oncle Alain Robert[14].
A partir de 1690-1691, durant leurs trois années de rhétorique et de philosophie, Jean-Baptiste et Louis-Marie se lient d'une amitié étroite dont témoignent, par exemple, un voyage commun à la campagne chez un ami, qui deviendra capucin, et un séjour au manoir des Grignion, en Iffendic[15]. Cette amitié confère toute sa valeur aux témoignages, parfois illustrés d'un faits que Blain donne sur la piété de Louis-Marie, sur sa pureté, sur sa dévotion mariale, sur sa confiances en la Providence, même sur ses goûts artistiques, sans parler de certaines difficultés entre le fils Grignion et son père[16].
A partir de 1692, les deux amis commencent leur théologie, toujours au collège de Rennes. Mais, au bout de peu de temps, la générosité d'une bienfaitrice permet à Louis-Marie d'aller continuer ses études à Paris même. Le témoignage de grain et l'écho des lettres qu'il recevra de son confident évoquent les difficultés du voyage, en même temps qu'ils manifestent et le goût de Louis-Marie pour la bohème, et la chaleureuse amitié des deux compatriotes. Bientôt d'ailleurs, Jean-Baptiste s'en va lui-même dans la capitale, y rejoindre son ami et y poursuivre ses études[17].
Les deux amis vont ainsi vivre proches l'un de l'autre, durant plus de sept années. Ce sera d'abord à l'ombre de Saint-Sulpice, dans la communauté de Mr. de la Barmondière (1693-1694), puis dans celle de Mr. Boucher (1694-1695), enfin à Saint-Sulpice même, dans le Petit Séminaire réservé aux clercs pauvres[18]. A une date non précisée, Jean-8aptiste dût quitter cette maison, sans s'en éloigner beaucoup, mais il continuait à rester en relations intimes avec Louis-Marie : il revenait le voir, il recevait de lui certaines confidences, il prenait de ses nouvelles par des amis communs, un Mr. Le Clerc ou un Mr. de Montillet, tout comme d'ailleurs, avant 1695, il apprenait certains détails sur son ami par tel condisciple comme Mr. Le Vallier[19]. Ces relations suivies durèrent jusqu'en 1700, année où Louis-Marie fut ordonné Prêtre, le 5 juin. Blain, qui assistait à la première messe de son ami, nous montre celui-ci se préparant, avec ardeur, durant les mois suivants, pour les missions,- soit en France, soit, de préférence, en «pays barbares»[20].
Ces six années de vie ensemble ou de relations étroites, à Paris, constituent la période de la vie de Montfort sur laquelle Blain est le mieux renseigné, celle surtout où il a le mieux connu son ami, que ce soit dans les exercices de la vie commune, dans les sorties ensemble, dans la fréquentation des cours et surtout dans les conversations confidentielles. On ne s'étonnera donc pas que les pages consacrées à ces années - pages gonflées, il est vrai, par des incursions dans la vie postérieure du missionnaire et surtout par certaines dissertations insérées en guise de justification - représentent 45% de l'Abrégé, alors que cette période, ne couvre que 7% de l'existence, pourtant assez brève, de Mr. Grignion. 
C'est une chance sans doute assez rare dans les biographies de prêtres du XVII° siècle, que de conserver d'aussi longs passages sur les années passées au séminaire, ces années obscures de la vie des prêtres. Grâce à Blain, nous pouvons suivre les principaux événements qui jalonnèrent ces sept à huit années que Montfort vécut au séminaire : ses passages d'une communauté à l'autre, sa grave maladie de 1695, l'arrêt de ses études en Sorbonne, son pèlerinage à Chartres, son vœu de chasteté à Notre-Dame de Paris[21]. Grâce à Blain également, nous avons quelque idée de son travail intellectuel ; son succès dans les études, certaines de ses lectures préférées (Boudon, Surin), sa composition de cantiques de piété en même temps que d'un ordre de cérémonies ; particulièrement suggestive est la distribution de son temps durant les nuits où il veillait les morts[22]. De même Blain nous rapporte un certain nombre de faits précis vécus par Montfort, même quelques unes de ses paroles, par exemple, sa charité pour une pauvre femme, sa réaction devant la mort de Mr. de la Barmondière, sa réflexion lors de son hospitalisation à l'Hôtel-Dieu, etc ...[23] Mais, somme toute, cela fait assez peu sur plus de sept ans, même pour la vie peu mouvementée d'un séminariste de l'époque.
C'est bien davantage sous un autre angle que ce long passage de l'Abrégé nous apporte sur Montfort une information capitale. Séminariste lui-même, l'auteur s'est intéressé avant tout à trois aspects essentiels de la formation des candidats au presbytéral. D'abord à ses relations avec ses directeurs successifs, relations affectueuses avec Mr. de la Barmondière et Mr. Baüyn, relations difficiles avec Mr. Leschassier et Mr. Brenier qui imposèrent à notre séminariste des épreuves que Blain a le courage de rapporter en détail[24]. Ensuite ses relations avec les condisciples du séminaire, en particulier les taquineries ou les critiques de ceux-ci, mais aussi l'apostolat de Louis-Marie auprès d'eux[25]. Enfin et surtout les attitudes spirituelles de Louis-Marie lui-même, parfois illustrées de certaines de ses manières de se comporter : son obéissance, son zèle, sa mortification, sa patience, sa dévotion mariale, son amour des pauvres, sa confiance en la Providence, son goût de la retraite et de la méditation. S'il parle ainsi longuement des «vertus» de son ami, c'est qu'il avait été, durant ces années, son confident intime. En toute vérité, il pouvait dire de cette période : «moi qui l'ai connu à fond plus que personne».
Après que Montfort eût quitté Saint-Sulpice, à l'automne 1700, Blain, sans doute resté à Paris, le suit difficilement[26]. Il sait bien qu'il partit pour Nantes, dans la communauté de Mr. Levesque - communauté qu'il connaît mal d'ailleurs - mais il ne dit rien, ni de l'année qu'il y passa, ni des raisons personnelles qui déterminèrent le jeune prêtre à en sortir. Sur le séjour de Montfort à Poitiers, entre 1701 et 1703, il n'a guère eu d'écho que de l'accueil enthousiaste fais par les pauvres de l'hôpital général, à ce prêtre pauvre comme eux, et des difficultés qui décidèrent le missionnaire à sortir de cet hôpital[27]. Bien des événements de ces trois années lui échappent, événements que les lettres mêmes de Montfort; adressées à Saint-Sulpice, éclairent partiellement mais directement.
 
Mais, au printemps de 1703, à Paris même où il achevait sa licence, Jean-Baptiste Blain retrouve Louis-Marie qui cherche péniblement sa voie. Il suit alors d'assez près son ami, d'abord aumônier à La Salpétrière, puis confiné dans un réduit, près du noviciat des Jésuites, enfin vivant parmi les Ermites du Mont-Valérien. Mais, pour cette année 1703-1704, Blain, toujours plus sensible à la personne qu'aux événements, nous renseigne surtout sur les difficultés que Montfort rencontra parmi le clergé parisien : avec les aumôniers de La Salpétrière, avec tel jésuite qui refusa de le diriger, surtout avec ses anciens martres sulpiciens qui mettaient en doute son «bon esprit» et allèrent jusqu'à le rejeter, enfin avec l'archevêque de Paris qui l'interdit. Mieux encore, Jean-Baptiste Blain, que ces difficultés additionnées et, plus encore, les «fables ridicules» véhiculées par l'opinion publique, ne laissaient pas de rendre perplexe sur l'attitude de son ami, nous livre plus ou moins explicitement les réactions de Montfort à qui il avait objecté tout cela. Ces réactions recoupent bien deux lettres de Mr. Grignion que nous conservons pour cette année[28].
Après que Montfort fût sorti de Paris, au printemps de 1704, Blain le perd de vue. Il avoue lui-même qu'il est mal renseigné : «Où allait-il alors ? Je ne le sais pas précisément. Je crois qu'il reprit la route de Nantes ou de Poitiers»[29]. Il aura d'autant plus de mal à le suivre, que leurs deux itinéraires allaient sensiblement diverger. Jean-Baptiste Blain, ordonné prêtre à l'automne 1704, partit pour Noyon où il s'était fait pourvoir d'un canonicat, puis, en 1708, pour Rouen où il suivit Monseigneur d'Aubigné, évêque de Noyon nommé archevêque. Dans la capitale de la Normandie, il allait participer à la formation des prêtres, à la direction des religieuses, à la consolidation des frères lasalliens, tout en siégeant au chapitre métropolitain durant plus de 40 ans[30]. Au contraire, Louis-Marie Grignion, toujours en mouvement, travaillait près du petit peuple, dans les diocèses de Poitiers ou de Nantes, de Saint-Malo ou de La Rochelle. Pourtant Blain ne perdait pas complètement de vue son ancien condisciple. Non seulement il pouvait, lors de ses passages à Paris, glaner quelques nouvelles de lui, mais, au gré de ses voyages comme à Rennes vers 1712 - ou de ses rencontres, interrogeait des prêtres, des religieux, qui avaient vu le missionnaire ou même avaient travaillé avec lui : Mr. Bellier, de Rennes, qui le renseigna sur la collaboration de Montfort avec Mr. Leuduger; des Capucins comme le Père Vincent qui avaient travaillé avec son ami ; des Jésuites comme le Père Martinet qui lui raconta le travail de Mr. Grignion dans le diocèse de Nantes[31]. Malgré cela, l'information de Blain reste extrêmement lacunaire pour cette période où Montfort était en pleine activité apostolique : rien, par exemple, sur ses prédications dans le diocèse de La Rochelle, le diocèse où il travailla le plus longtemps.
Très partielle pour les années 1704-1714, l'information de Blain risque aussi d'induire en erreur. Non seulement elle ne permet pas de retracer l'itinéraire géographique ou l'évolution pastorale de Mr. Grignion, mais son faible volume, en face des nombreux renseignements fournis sur les années 1693-1700, entraîne un certain déséquilibre dans la vision d'un Montfort qui se voulait avant tout missionnaire. De plus cette information extrêmement sporadique, qui n'est pas toujours d'une parfaite exactitude, porte presque uniquement sur des faits hors de l'ordinaire, par exemple les trois incognitos de Louis-Marie à Fontevraud, Dinan et Montfort[32]. Cela s'explique, car ce sont de tels faits qu'est plus friande la rumeur publique ; Mr. des Bastières, compagnon du missionnaire durant les années 1708-1716, ne s'attache-t-il pas surtout à des faits de ce genre. Mais il y a là autant de correctifs dont il est indispensable de tenir compte, si on veut saisir la vraie physionomie de Montfort.
Voilà qu'après dix années de séparation, les deux anciens condisciples se retrouvent, à l'automne 1714. Blain nous rapporte les quelques faits qui meublèrent le bref séjour du missionnaire à Rouen, sans oublier son aventure sur le coche d'eau qu'il emprunta au retour. Sans doute Montfort eut-il alors l'occasion de lui raconter divers événements de sa vie, qui ont pu prendre place, ici ou là, dans l'Abrégé. Surtout Blain nous résume, en termes très directs, le dialogue que les deux amis eurent alors, sur un ton de franchise un peu rude ; ce passage, de résonance très évangélique, est sans doute le plus beau et le plus signifiant de tout l'Abrégé[33].
Désormais les deux amis ne se reverront plus. Moins de deux ans après, Montfort mourait à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Blain eut très vite connaissance de sa mort, par une relation qui fut envoyée à Saint-Sulpice. Mais il trouvera, en 1724, une dernière occasion de s'informer sur son ami, en se rendant à son tombeau, pour y solliciter sa propre guérison. Il interrogea alors le clergé de la paroisse, l'un ou l'autre disciple du missionnaire, ainsi que Madame de Bouillé. En même temps il put admirer la ferveur des paroissiens de Saint-Laurent et des pèlerins qui venaient prier sur la tombe du Père de Montfort[34].
Au total, il faut reconnaître que l'information de Blain sur Montfort est vraiment partielle. Elle l'est d'autant plus que, en fin de compte, l'auteur s'intéresse moins aux faits concrets qu'à la personne même de son ami. Plus qu'une biographie, c'est un témoignage.
 

L'INTERPRETATION DE MONTFORT PAR BLAIN
 
Toute biographie comporte une part d'interprétation due à l'auteur lui-même. C'est particulièrement vrai, lorsque celui-ci cherche à donner un témoignage, car l'écrivain s'engage alors, en évoquant se propre relation avec son héros. Aussi l'Abrégé demande-t-il, plus que d'autres textes biographiques, une finesse de lecture. Si Blain nous offre une chance particulière de saisir la physionomie de ce Montfort dont il fut tenté de se faire le disciple et le compagnon d'apostolat[35], c'est à condition de savoir discerner en quoi l'image qu'il donne du missionnaire, est tributaire de la personnalité de l'auteur, des positions de celui-ci et même de la mentalité contemporaine.
Nous connaissons assez peu la personnalité de Jean-Baptiste Blain. Pourtant on aperçoit, comme en filigrane, tel ou tel trait qui le différenciait de Montfort, sans qu'on puisse bien démêler ce qu'il tenait de son tempérament et ce qui lui venait de son milieu social.
Lorsque, en 1724, Blain évoquait ses premières années de séminaire, il parlait, avec dégoût, de la nourriture des pauvres qu'il avait alors connue[36]. C'est que le chanoine de Rouen, si dévoué qu'il fût aux œuvres de charité, n'en était pas moins marqué par le milieu ecclésiastique et bourgeois de la bonne ville de Rouen. Pour lui, les campagnards que Montfort avait voulu évangéliser sur le coche d'eau de la Seine ne méritaient guère un tel geste. On comprend dès lors qu'il parle, avec un certain mépris, de la «stupidité» du «peuple grossier» auquel Montfort se consacrait de préférence, allant jusqu'à traiter les paysans bretons de « demi-hommes», de «sauvages»[37]. Aussi pouvait-il difficilement comprendre la manière qu'avait le missionnaire de «vivre à la Providence», en sollicitant sa propre subsistance, ce qu'il appelle «boire avec générosité la honte attachée à cette espèce de mendicité»[38]. Comme beaucoup de prêtres contemporains, il n'était pas particulièrement sensible à l'idéal de pauvreté évangélique. On s'explique ainsi que, hormis des extraits du rapport du Père Vincent, capucin[39], il ait fait la part plutôt maigre à l'apostolat de Montfort parmi les pauvres et dans le peuple. Aussi éclaire-t-il, de façon trop oblique, un aspect essentiel de la vie et de l'apostolat de Mr. Grignion.
La divergence entre le chanoine de Rouen et son héros est encore plus sensible par rapport au conformisme social. Marqué par Saint-Sulpice «où la singularité est persécutée comme un grand vice », ayant réussi une carrière honorable qui l'avait conduit à d'importantes responsabilités dans le diocèse de Rouen, Jean-Baptiste Blain, pourtant d'un zèle indiscutable, s'inspirait de l'idéal de mesure communément reçu, en ce début du XVIIII siècle, où retombait le mouvement de réforme catholique. Ses modèles, il les prenait, de préférence, chez «des personnes d'une sagesse consommée... qui ne font pas parler d'eux»[40]. D'où une différence de sensibilité par rapport à son ami, différence qui éclate dans leur dernier entretien, en 1714 : «Je commentai ... par lui décharger mon cœur sur tout ce que j'avais à dire et entendu dire contre sa conduite et ses manières», «singulières», «extraordinaires»[41]. Il semble bien que, dès les années de collège à Rennes, Blain ait été frappé par l'originalité de son condisciple. A Saint-Sulpice, en tout cas, cette singularité lui faisait d'autant plus question, queue attirait les moqueries des séminaristes et surtout les contradictions de maîtres vénérés. C'est encore d'elle qu'il entendra parler, par la suite, lorsqu'il aura des nouvelles occasionnelles de son ami. On comprend dès lors que, peu intéressé comme tous les biographes de l'époque - par la vie quotidienne de son héros, il revienne, à tout moment, sur les faits non-conformistes de son existence, avec le risque de grossir le trait jusqu'à friser la caricature, en sélectionnant inconsciemment certains faits «extraordinaires». Le risque était d'autant plus grand que Blain n'avait pas vécu avec Montfort durant les années où celui-ci, progressant vers l'équilibre, s'insérait davantage dans la pastorale des diocèses. Grignion de Montfort a été assez largement original, pour qu'on essaye de discerner en quoi la plume du chanoine a pu renforcer encore cette originalité.
En sens inverse, pour contrebuter l'originalité de son ami, Blain se plait à souligner largement son obéissance. Nul doute que Grignion n'ait professé une grande soumission envers l'autorité, spécialement que, durant ses années de formation, il n'ait dû plier sa forte personnalité aux cadres de moins en moins souples de Saint-Sulpice. Mais il est non moins évident que cette obéissance n'était pas, chez cet homme, l'aspect premier, le trait le plus caractéristique. Or, pour laver son ami de tout soupçon d'infidélité, Blain va jusqu'à intercaler, dans sa relation sur le séminariste, une massive dissertation-syllogisme, avec arguments d'Ecriture, de tradition et même réponses aux objections - plus de 80 pages, le quart du mémoire - pour prouver l'exactitude de son obéissance[42]. Par ce moyen, non seulement il manifeste sa propre formation, mais il tend à déséquilibrer le portrait de son ami, pour apporter une garantie à son lecteur et d'abord à lui-même.
Blain cherche une garantie analogue dans le rappel des témoignages élogieux que donnèrent, sur Louis-Marie, leurs communs maîtres, jésuites ou sulpiciens, le Père Gilbert ou le Père Descartes, Mr. Baüyn ou Mr. de la Chétardye[43]. Mais de telles évocations trahissent surtout la facilité d'admiration du chanoine de Rouen. Cette facilité se lit dans les termes emphatiques dont il se sert pour célébrer le séminaire de Saint-Sulpice, «la terre des saints», «le lieu du monde où il pouvait être le plus en liberté de prendre son vol vers le Ciel» ; ou bien pour camper ses maîtres sulpiciens, «ces... prêtres si saints et si ressemblants à ceux de la primitive Eglise... dignes... du temps des Apôtres »[44]. Une telle admiration va mettre Jean-Baptiste Blain à la torture, lorsqu'il se trouvera devant l'incompréhension entre ses maîtres et son condisciple. Car son amitié pour celui-ci est non moins admirative que sa vénération pour ceux-là. Cette admiration entraîne sa plume : « l'un des plus grands dévots à Marie que l'Eglise ait vus», «un des plus grands prédicateurs du siècle». Elle le porte non moins à recueillir les prédictions de Montfort, ses miracles, ses succès apostoliques, les témoignages de ferveur autour de son tombeau[45]. Rien n'est trop éloquent pour montrer que son condisciple a participé aux grâces des saints.
En s'attachant à ces manifestations, Jean-Baptiste Blain trahit sa position parmi les hagiographes de son temps. A vrai dire, son Abrégé de 1724 n'est guère qu'un essai, par rapport à la volumineuse biographie de Jean-Baptiste de La Salle qu'il entreprendra l'année suivante. Mais déjà, dans ses pages plus modestes sur Louis-Marie, on entrevoit les mêmes orientations que dans son ouvrage publié en 1733, où il s'en prend aux «critiques» et nommément à Claude Fleury[46]. L'opposition ne porte pas, du moins pas directement, sur la visée édifiante de l'hagiographie, reconnue alors par tous les historiens de l'Église, mais sur une certaine compréhension de l'intervention directe de Dieu dans l'existence des saints, sur une certaine conception du merveilleux. Depuis le milieu du XVIII siècle, s'était développée une manière critique de relire l'histoire des saints de l'Antiquité et du Moyen-âge ; à mesure que cette critique, d'abord concentrée sur les sources, s'étendait au contenu même des vies de saints, elle ne pouvait éviter de rejaillir sur la biographie des contemporains[47]. On peut se demander si Blain n'a pas été, à son insu, marqué par cette tendance, lorsqu'on le voit rapporter, avec franchise, les «singularités» de son ami et ses difficultés avec les autorités ecclésiastiques. Mais, bien davantage et plus ouvertement, il se range parmi les opposants à cette tendance. L'un des signes les plus significatifs en est la présentation qu'il donne de son ami comme un saint tout fait dès l'enfance «Il semble qu'il n'avait point péché en Adam... Ses inclinations, dès que je l'ai connu, paraissaient toutes célestes... De là, cette grande facilité pour la vertu... »[48]. Plus largement cette tendance se manifeste par l'appel constant à la Providence, pour expliquer le cours des choses, même lorsque l'auteur connaît ou devine le rôle d'intermédiaires humains comme Mademoiselle de Montigny, par le recours à la main du démon pour expliquer les oppositions rencontrées par Montfort, par exemple auprès de Mr. Leuduger[49]. Par là, Blain montre suffisamment à quel genre d'hagiographie il s'attachait.
Mais, au moins autant que d'une opposition historiographique, ne faut-il pas parler d'une opposition théologique, entre, d'un côté, les partisans d'une histoire plus critique, qui représentaient, en France du moins, les tendances augustiniennes et gallicanes, et, d'autre part, ceux qui, prônant une critique modérée, défendaient des positions ultramontaines et antijansénistes[50]. On sait que, à Rouen même, en 1715-1716, Blain avait eu maille à partir avec les opposants à la bulle Unigenitus[51]. Dans son Abrégé, il leur porte un coup fourré, en les rapprochant des Calvinistes. On peut même se demander s'il ne s'est pas laissé entraîner à projeter plus ou moins son antijansénisme sur les difficultés de la communauté de Saint-Clément, à Nantes, et sur les directives données à Montfort par Clément XI[52]. Au-delà de ces cas qu'explique, en partie, sa propre agressivité, on décèle à quelle ecclésiologie s'alimentait Jean-Baptiste Blain, une ecclésiologie qu'il explicitera en parlant de la foi de Jean-Baptiste de La Salle et qu'il reliera à Saint-Sulpice, «un des boulevards de la catholicité en France»[53].
 
Lorsqu'on essaye de cerner l'influence que pouvaient exercer sur le chanoine de Rouen la formation reçue des Sulpiciens et les relations étroites qu'il conservait avec eux, le terme de théologie apparaît insuffisant. Il faudrait parler d'une mentalité, mieux encore d'une «culture» qui, plus facilement discernable à Saint-Sulpice, atteignait, en ce début du XVIII° siècle, une grande partie du clergé français[54]. Si on veut dégager le meilleur du témoignage de Blain, il est indispensable de discerner cette culture, d'appliquer à l'Abrégé une méthode de lecture socio-historique. Sans cet effort patient, les pages de Blain risqueraient d'apporter au lecteur actuel plus d'incompréhensions et de déceptions que d'éclairage véritable sur Montfort.
Comme toute culture, celle dans laquelle baignait Blain, avec bien des prêtres de son époque, est difficile à analyser exactement. Ce qui apparaît d'abord c'est l'usage courant d'un certain vocabulaire qu'aujourd'hui on qualifierait d'ecclésiastique : fréquence de mots comme « vertueux », « pieux », « saint », « divin », etc... ; emploi de termes doucereux comme « onction», « grâce », « tendresse », etc... ; emprunt de comparaisons faciles au monde céleste des anges, des chérubins, des séraphins, etc... ; recours à des superlatifs qui ne paraissent jamais assez forts, « la plus pure vertu », «la plus sublime perfection», «les directeurs les plus saints», sans parler de la «piété consommée ». Il est évident que l'usage répété de mots et d'expressions de ce genre dépasse le seul niveau du vocabulaire et trahit tout un système de représentations de la société, de l'homme et, à travers eux, de Dieu lui-même. On en trouve un exemple, à la fois bien particulier et assez typique dans la manière dont Blain se représente la femme suivant un modèle de piété et de pureté, de pudeur et de vie retirée, de faiblesse, d'inconstance et... de tentation[55].
Certains traits de la culture cléricale du XVI°' siècle ressortent apparemment peu des pages de Blain. C'est le cas de la «dignité» du prêtre, mentionnée une seule fois : «cela ne convenait pas à son état»[56]; mais implicitement le chanoine de Rouen se réfère à cette dignité lorsque, si souvent, il se choque des singularités de son ami. Ce l'est aussi de la mésestime du temps présent, explicitée une seule fois[57] ; mais cette mésestime transparaît dans l'exaltation fréquente du passé, « des siècles les plus purs de l'Eglise », que ce soit le début du XVIII siècle, le Moyen-âge, les Pères du désert ou l'Eglise primitive. Il y a là, au-delà des goûts personnels de l'auteur pour l'histoire ecclésiastique, tout un système de référence au passé, d'ailleurs largement idéalisé, vu comme normatif pour le présent[58]. Une telle référence apparaît assez caractéristique de la mentalité du clergé de l'époque.
D'autres schèmes culturels affleurent plus nettement. Ainsi l'affirmation réitérée que l'obéissance est la vertu maîtresse du chrétien et du prêtre, reflète une vision extrêmement hiérarchisée de l'Eglise - et donc de la société - qui avait été diffusée dans le clergé du XVIII siècle. Selon cette vision, le règlement perfectionne l'Evangile jusqu'à ne laisser à l'homme «aucun usage de sa liberté» ; toutes les paroles des supérieurs sont des «oracles» ; la perfection consiste à professer un «souverain respect pour les ordres des supérieurs», jusqu'à se soumettre, à s'abandonner, à s'assujettir, à demander le plus possible de permissions, à vivre dans un «esprit d'obéissance, de petitesse, de dépendance en tout »[59]. Corrélativement le sacerdoce ministériel apparaît comme le sommet du christianisme, un sommet dont on n'approche qu'avec crainte et tremblement[60].
Si cette vision exprime une certaine théologie de l'Eglise et du presbytéral, nous sentons aujourd'hui combien une telle théologie est lourde de conditionnements culturels.
Le même mélange de théologique et de culturel se retrouve dans la façon dont Blain parle de la nature et de la grâce : «l'amour de Dieu étouffait en lui la voix de la nature»[61]. La nature, l'humain, le profane, le corps, la volonté, les idées personnelles, etc... sont toujours vus de façon négative, comme étant opposés à l'action de Dieu. Une telle représentation, commune dans presque toute la littérature spirituelle au début du XVIII° siècle, revient presque à chaque page de Blain qui, au contraire, tributaire d'un certain psychologisme, s'intéresse essentiellement à «l'intérieur», aux « dispositions », aux « inclinations ». Dans cette perspective, toutes les tendances bonnes ou vues comme telles, sont un pur don de Dieu : par exemple, l'attrait de Montfort pour Marie[62]. Les déficiences elles-mêmes apparaissent, au moins indirectement, comme faveurs divines l'absence d'attrait sexuel est une grâce de pureté les singularités de Montfort deviennent un « fumier» dont Dieu se sert pour «engraisser» les vertus[63]. De toute évidence, cette vision de l'homme est lourdement hypothéquée par une certaine philosophie de l'homme, de tendances néo-platoniciennes, mais elle est, en même temps, fortement imprégnée de représentations culturelles.
S'il en était besoin, il suffirait, pour se convaincre de ce poids du culturel, de relever combien cette vision inclut un certain masochisme, un besoin de se faire souffrir, de s'attirer les humiliations, jusqu'à se détecter dans le mépris, en référence à une manière de comprendre la Passion du Christ. Si Blain admire ce goût de la souffrance chez son ami Louis-Marie, comme d'ailleurs chez certains de leurs maîtres, tel Mr. Brenier qui, à son tour, poursuivra Mr. Grignion avec un art presque sadique[64], c'est moins par inclination personnelle, que suivant une certaine sensibilité, une certaine perception du saint, alors communément reçue dans le clergé, beaucoup moins au niveau de l'existence concrète du commun des prêtres, qu'à celui des modèles de sainteté véhiculés par la formation et la littérature cléricales.
Lorsqu'on examine de près la manière dont le chanoine de Rouen parle de ses maîtres jésuites et surtout sulpiciens, on s'aperçoit en effet qu'il s'inspire de véritables «modèles» culturels. Le terme même de «modèle» vient sous sa plume : Mr.- de la Barmondière était «un modèle de la plus pure vertu». Lorsqu'il évoque Mr. Baüyn ou Mr. Brenier, pourtant si dissemblables, il se réfère instinctivement à saint François-de Sales, à saint Philippe Néri, aux Pères de la Thébaîde, interprétés comme des types[65]. Ces modèles forment des réseaux de vertus, tel Mr. Bardou, «un modèle vivant de régularité, d'obéissance, d'innocence aussi bien que de pénitence»[66]. Très naturellement la vénération de Blain pour son ami l'incline à appliquer à celui-ci ces modèles faits d'avance ; là, plus que jamais, le portrait risque d'être fortement idéalisé. C'est d'autant plus vrai qu'il s'agit uniquement de modèles de « vie intérieure », qui, accordés avec la formation donnée à Saint-Sulpice vers 1700, ne peuvent suffire à caractériser un homme dont la vocation fut avant tout missionnaire. On ne saurait trop se Méfier de ces schémas implicites, si on veut découvrir, au-delà des interprétations de Blain, le cheminement existentiel de Grignion de Montfort.
 
 
COMMENT BLAIN NOUS REVELE LA PERSONNE DE MONTFORT
 
Si Blain use ainsi, pour nous présenter Mr. Grignion, de modèles hagiographiques alors communément reçus, on doit s'interroger sur l'apport qu'il peut fournir pour une connaissance directe de Montfort. Avant de répondre à cette question, il faut d'abord remarquer que bien des schèmes culturels appliqués par Blain à Montfort étaient habituels à ce dernier lui-même, moins d'ailleurs dans sa praxis que dans sa théorie : l'opposition entre la nature et la grâce ou le goût masochiste de la souffrance, l'exaltation du temps des Ap8tres ou la mésestime de la femme, pour n'en citer que quelques uns. Mais, si cette similitude peut nous aider à apprécier combien Mr. Grignion était tributaire de son temps, elle ne nous achemine guère vers la connaissance de sa personne même. Le meilleur apport du chanoine de Rouen se situe ailleurs et au-delà.
Dans ce qu’on peut appeler la conjoncture de la biographie religieuse, au cours d'un XVI°' siècle long, Blain apparaît comme un auteur d'arrière-saison. Pour des raisons complexes où le «crépuscule des mystiques » rencontre le goût de la critique historique, le flot de cette littérature spirituelle, ralenti depuis 1680-1690, se tarit à peu près vers 1720 ; encore les dernières productions sont-elles souvent des reprises de vies publiées antérieurement[67]. Blain, à sa manière, est marqué par son époque. Pourtant, dans cet Abrégé, il retrouve par moments une des meilleures veines de la biographie spirituelle au XVII° siècle : révéler l'œuvre de Dieu dans une personne vivante. En nous présentant son ami, tel qu'il l'a saisi, à travers une relation qui l'a lui-même marqué, il nous aide, mieux qu'il ne le fera pour saint Jean-Baptiste de La Salle qu'il avait d'ailleurs connu tardivement, à découvrir progressivement la personne même de son héros.
Cette découverte de la personne de Grignion de Montfort suppose une lecture attentive, un discernement continuel, pour dépasser les formules et les images alors communément acceptées. Parfois c'est un passage entier qui nous livre un ou des aspects de la physionomie de Montfort. Le plus souvent, ce sera seulement une phrase, une ligne, tel ou tel mot, qui transcrit une confidence, rapporte un fait significatif, reprend une expression chère à Mr. Grignion, signale un «attrait», une «inclination». De toute façon, le portrait demeure incomplet, on ne saurait trop le rappeler. Mais si l'Abrégé ne dispense pas de puiser à d'autres sources des faits plus ou moins révélateurs, il a sur elles la supériorité de nous faire comprendre Montfort davantage de l'intérieur.
Jean-Baptiste Blain nous renseigne un peu sur le tempérament robuste de Louis-Marie - qui explique sa résistance aux épreuves et, pour une part, son besoin de se dompter lui-même - et sur ses goûts et aptitudes intellectuels et artistiques[68]. Il parle peu de sa famille, de son éducation, encore qu'il apporte un éclairage décisif sur la difficile relation entre le fils Grignion et son père[69].
Par contre, pour avoir vécu en grande amitié avec lui, Blain revient souvent sur son affectivité : «Il avait le cœur aussi tendre que personne »[70]. Il saisit cette affectivité tant dans le style de ses lettres, de ses cantiques, de ses sermons, que dans son comportement envers les pauvres «qui ont toujours eu la préférence dans son cœur... ils ont tous été le premier et le cher objet de son zèle»[71]. Il la décrit aussi dans la relation avec ses directeurs, entre autres Mr. de la Barmondière, et, bien plus encore, avec Marie : «On peut dire que la sainte Vierge... avait gravé dans sa jeune âme cette tendresse si singulière qu'il a toujours eue pour elle»[72]. Sur ce point, si important pour la physionomie spirituelle de Montfort, l'apport de Blain est capital, car il complète les écrits un peu théoriques du missionnaire, par un témoignage direct sur la manière dont celui-ci vivait en relation très affective et très confiante envers Marie.
De même, pour avoir vécu longtemps en sa compagnie et aussi pour ne pas ressentir les mêmes tendances, Blain éclaire, d'une lumière très vive, les difficultés qu'éprouvait Mr. Grignion à s'intégrer socialement. C'est en ce sens qu'il faut comprendre son insistance sur les singularités de son ami. Plus directement, il le montre se mêlant difficilement à son milieu, déjà au collège de Rennes et surtout au séminaire Saint-Sulpice où il vivait dans une «profonde abstraction»[73]. Corrélativement l'auteur insiste sur son «attrait dominant pour la retraite et l'oraison», dès son adolescence à Iffendic, pendant ses années de séminaire, encore à Paris en 1703[74]. Cette difficulté d'intégration orientait Montfort vers les marginaux de la société qu’étaient les pauvres, à Rennes comme à Paris ou à Poitiers[75]. Elle s'exprimait aussi d'une manière que Blain note seulement en passant, mais par des touches bien senties qui reprennent le vocabulaire même de Montfort : la vie «à l'apostolique», «à la Providence», c'est-à-dire un style d'existence pauvre, non conforme à celui de l'ensemble du clergé, confiant dans les seuls dons des populations : «Ce fut cette... vertu que j'admirai le plus à son départ» de Rennes pour Paris[76]. En soulignant que ce sera «sa manière» personnelle de «faire ses missions », il marque bien l'importance capitale de ce trait dans la physionomie de Mr. Grignion.
Par des touches encore plus discrètes mais non moins senties, Blain évoque, chez l'ami qu'il n'a guère connu que confiné dans des maisons de formation, une véritable passion de l'action « né avec l'attrait pour les emplois et la vie apostolique»[77]. Il signale les manifestations occasionnelles de ce zèle, chez son condisciple de Saint-Sulpice, soit hors du séminaire, soit à l'intérieur même de la communauté, pour instaurer de nouvelles formes de dévotion mariale[78]. A ce sujet, il note finement que «Mr. Grignion, naturellement inventif et d'une imagination féconde, avait toujours à proposer quelques nouvelles pratiques »[79]. A plusieurs reprises, il revient sur cette créativité apostolique, cette créativité au nom de laquelle Montfort se justifiera lui-même en 1714, lorsque le chanoine de Rouen lui reprochera de se singulariser : les «hommes apostoliques» ont « toujours quelque chose de nouveau à entreprendre »[80]. Ce qui apparaissait à Blain d'abord comme non conformisme, «saillies», «impétuosité», «transports de zèle» -expressions qu'il reprendra à plusieurs reprises - Montfort le vivait d'abord comme liberté missionnaire et prophétique.
C'est par rapport à cette liberté qu'on peut vraiment comprendre et situer l'obéissance de Mr. Grignion. Si, dans bien des pages de l'Abrégé, cette obéissance semble primer tout chez le séminariste de Saint-Sulpice, elle retrouve sa vraie place, essentielle mais seconde, dans l'entretien de 1714, ce qui correspond mieux au tempérament et à la vocation de Grignion de Montfort[81].
Entre le séminariste des années 1693-1700 et le missionnaire des années 1710-1716, on sent en effet toute une évolution. Blain l'a certainement perçue ; il suffit de comparer comment il décrit son condisciple, passif, recroquevillé sur lui-même, à Saint-Sulpice, puis le jeune prêtre de 1703, assoiffé d'action, mais se heurtant aux cadres ecclésiastiques, enfin l'apôtre qui, en 1710-1711, brasse les foules du pays nantais et les organise pour leur faire construire le calvaire de Pont-Château ; visiblement l'auteur change de plume, lorsqu'il passe d'une phase à l'autre. Mais si Blain a perçu cette évolution, il ne s'y est pas attaché, marqué qu'il était par une vision intemporelle de la grâce et de la sainteté. Pourtant, de diverses manières, il nous laisse deviner ce cheminement, en nous permettant de comparer certains faits immatures du séminariste - son obsession de demander des permissions, sa recherche de compensation affective près des pauvres et de Marie[82] - et la stature adulte que manifeste, dix à quinze ans plus tard, le missionnaire en action : un homme conscient de ses excentricités, de sa fragilité, mais sûr de lui-même jusqu'à oser se plaindre du traitement que lui inflige un sulpicien ; un homme qui, voué aux pauvres, sait les reprendre pour les éduquer à un christianisme plus vrai ; un homme qui a discerné sa propre vocation parmi les autres vocations dans l'Eglise, même s'il garde une pointe d'agressivité contre ces autres vocations[83].
 
Mais, à défaut de nous retracer le cheminement personnel de Montfort, Blain nous permet de saisir comment ce cheminement s'est opéré à travers des tensions profondes qui déroutaient des sulpiciens, des évêques, Blain lui-même : tension, déjà sensible à Saint-Sulpice, entre son penchant pour le recueillement, la pénitence, et son obéissance intégrale à ses directeurs[84]; tension, en 1703, entre son attrait pour la vie apostolique et son goût de la retraite[85]; tension, en 1714, entre la liberté missionnaire et la dépendance de la hiérarchie[86]; tension enfin entre ces deux modèles qui dominent toute sa vie, les Apôtres dont il veut imiter le style de vie, le mouvement missionnaire, et Marie qui nourrissait sa contemplation[87]. Malgré le caractère partiel de son information, malgré son style abondant et emphatique, malgré la superposition d'interprétations personnelles ou d'époque, Jean-Baptiste Blain, en nous manifestant ces tensions, nous révèle, mieux que tout autre biographe, le dynamisme de la personne de Montfort[88].


PRINCIPAUX OUVRAGES UTILISES
 
BESNARD (Charles), La vie de Messire Louis-Marie Grignion de Montfort, prêtre missionnaire apostolique, ouvrage écrit vers 1770; le manuscrit est conservé aux Archives de la congrégation de la Sagesse à Rome. Cet ouvrage ayant été à peu près reproduit dans la publication de Picot de Clorivière, nous avons préféré, pour des raisons de commodité, renvoyer à ce dernier auteur, cf. infra.
 
BLAIN (Jean-Baptiste), La vie de Monsieur Jean-Baptiste de La Salle, Rouen, 1733, tome 1 : 8-443 pp. et tables ; tome II : 501 - tables - 124 pp.
 
BERTRAND (L.), Bibliothèque sulpicienne ou histoire littéraire de la Compagnie de Saint-Sulpice, Paris, 1900, tome I : XXIII - 536 pp. ; tome III : 484 pp.
 
BOURDEAUT (A), Le Bienheureux Grignion de Montfort. Ses missions et ses œuvres dans le diocèse de Nantes, publié dans L'ami de la croix, 1937, pp. 17-32, 33-46, 49-62, 65-75, 81-93, 113127, 161-175, et 1938, pp. 1-13, 17-27, 124-128.
 
DERVAUX (J..-F.), Folie ou Sagesse. Marie-Louise Trichet et les premières filles de Mr. de Montfort, Paris, 1950, 731 pp.
 
FIORES (Stefano de), Itinerario spirituale di S. Luigi di Montfort (1673-1716) nel periodo fino al sacerdozio (5 giugno 1700), polycopié, Roma, 1973, 368 pp.
 
FOURE (André), Jean-Baptiste Blain (1674-1751), chanoine de Rouen, publié dans Revue des Sociétés savantes de Haute-Normandie, 1959, n° 15, pp. 36-52.
 
GRANDET (Joseph), La vie de Messire Louis-Marie Grignion de Montfort, prêtre missionnaire apostolique, 4 pp. non-ch.. - XIX - 487 pp., plus tables.
 
GRIGNION DE MONTFORT, Œuvres complètes de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Paris, 1966, XXXII - 1905 pp.
 
LEVESQUE (E.), Liste des anciens élèves du séminaire Saint-Sulpice, 1642-1792, suivie de Liste des anciens élèves du Petit Séminaire, publié dans Bulletin trimestriel des anciens élèves du Séminaire de Saint-Sulpice, à partir de février 1905 (et tiré-à-part). La seconde liste n'est, pour les années avant 1705, qu'une reconstitution partielle.
 (Louis), Grignion de Montfort, les pauvres et les missions, Paris, 1966, 182 pp.
 
PEROUAS (Louis), Ce que croyait Grignion de Montfort, Paris, 1973, 217 pp.
 
PICOT DE CLORIVIERE( P.-J.), La vie de M. Louis-Marie Grignion de Montfort, missionnaire apostolique, instituteur des missionnaires du Saint-Esprit et des Filles de la Sagesse, Paris-St-Malo-Rennes, 1785, X-587 pp. - 4 f° non-ch. (reproduit à peu près le travail de Ch.. Besnard, cf. supra).
 
POURRAT (P.),Biographies spirituelles - Epoque moderne - France ; POURPAT et DAESCHLER, Biographies spirituelles - Epoque moderne - Evolution de la biographie à l'époque moderne, publié dans le Dictionnaire de spiritualité, tome colonnes 1690-1696 et 1715-1717.
 
POUTET (Yves), Le XVII° siècle et les origines lasaliennes. Recherches sur la genèse scolaire et religieuse de Jean-Baptiste de La Salle, Rennes 1970, 2 tomes, 785 et 445 pp.
 
SIBOLD ( Marcel), Le sang des Grignion, 556 pp. Plus tableaux ; manuscrit conservé chez l'auteur.


[1]
BLAIN J.-S.,
Abrégé de la vie de Louis-Marie Grignion de Montfort, pp. 354, 318, 319 ; toutes les références à Blain renvoient aux pages du manuscrit lui-même, dont la numérotation est portée sur le texte publié ci-dessous. Voir aussi GRANDET (Joseph), La vie de Messire Louis-Marie Grignion de Montfort..., Nantes, 1724, pp. 262, 428-434.
[2]
Arot s'en explique lui-même dans une lettre à GRANDET
(J),. op. cit. p. 470 ; aux pp. 453, 464, 471, quelques uns des témoignages, déjà recueillis par Arot. Sur Grandet et sur ses nombreux écrits biographiques, voir l'article à lui consacré par PORT (Célestin), Dictionnaire historique, géographique et biographique du Maine-et-Loire, Paris-Angers, t. II, 1878, p. 289-290.
[3]
BLAIN
(J.-S.), Abrégé..., p. 94
[4]
Extraits de Pierre des Bastières, dans GRANDET (J.),
op. cit., pp. 131-139, 194-204, 211-221, 286-289, 302-306, 329334, etc... L'ouvrage de Grandet, publié en 1724, porte un permis royal d'imprimer dé septembre 1723. D'après divers points de référence (Père Le Camus, p. 1 ; Mr de Montillet, p. 131 ; Mgr de Champflour, p. 348) le texte de Blain a dû être écrit entre 1722 et 1724 ; la copie B porte, à la p. 250, la date de 1724 pour le pèlerinage à Saint-Laurent-sur-Sèvre, dont Blain parle à la fin de son texte ; à lire le texte lui-même, au moins sa finale, on a bien l'impression que la rédaction a suivi de peu ce pèlerinage accompli au mois de septembre
[5]
Nous avons comparé avec les deux copies de l'Abrégé une autorisation donnée et écrite par Blain, au Frère Barthélémy, le 4 décembre 1716, et le testament de Blain du 26 janvier 1750, reproduit dans FOURE (André),
Jean-Baptiste Blain (1674-1751), chanoine de Rouen, publié dans la Revue des sociétés savantes de Haute-Normandie, n° 15, année 1959, p. 46 ; les papiers de Blain ont disparu, en 1940, dans l'incendie du château d’Orival
[6]
BESNARD (Charles,
La vie de Messire Louis-Marie Grignion de Montfort..., (manuscrit conservé à Rome, aux archives de la Sagesse) p. 3 ; le transfert de la copie pourrait s'être fait en 1765, année où Besnard fit un voyage en Normandie, DERVAUX (J.-F.), Le doigt de Dieu. Les Filles de la Sagesse après la mort des fondateurs, t. I, p. 10.
[7]
BESNARD (Charles),
op. cit., pp. 46-48 et 171-178 qui correspondent aux pp. 259-262 et 330-344 de la copie A.
[8]
La copie B, p. 221, porte dans la marge le n° 323 qui ne
paraît pas surajouté ; or c'est le n° de la page du manuscrit A qui correspond à ce passage.
[9]
Un seul détail important porté sur la copie B, n'existe pas sur la copie A ; la date de 1724, en face du voyage de J.-S.
Blain à Saint-Laurent-sur-Sèvre, p. 250.
[10]
Cité par RIGAULT (Georges),
Histoire générale de l'institut des Frères des écoles chrétiennes, t. I, Paris, 1937, p. IV.
[11]
Pour ces notes, nous devons beaucoup à l'abbé André
Fouré, qui poursuit ses recherches sur J. -B. Blain, au Père Raoul, archiviste des Capucins de France, à Mr Irénée Noye, archiviste de Saint-Sulpice, enfin et surtout au Père Stefano de Fiores qui nous a communiqué le fruit de ses recherches aux archives des Sulpiciens, à Paris, et des Jésuites, à Rome. Nous devons également remercier Mr Jacques Le Brun, professeur au Centre National de Téléenseignement, qui nous a donné de précieux conseils pour la préparation de cette édition. Le texte lui-même a été établi grâce aux soins du secrétariat général de la Compagnie de Marie, à Rome.
[12]
Ces renseignements biographiques, ainsi que, parmi les suivants, ceux qui ne viennent pas de l'Abrégé, sont tirée de FOURE (André),
Jean-Baptiste Blain (1674-1751), chanoine de Rouen, ou des indications complémentaires que nous a fournies l'auteur.
[13]
BLAIN (J.-B.),
Abrégé..., p. 1-2.
[14]
Sur la rencontre de ces trois prêtres, BLAIN (J.-B.),
Abrégé..., pp. 7, 14, 95, 152, 279. On peut discerner quelques détails fournis par l'oncle Alain Robert, dans GRANDET (J.), La vie de Messire Louis-Marie Grignion..., pp. 2 à 8.
[15]
BLAIN (J.-B.),
Abrégé ... ; pp. 17-19. Désormais toutes les notes qui comportent seulement des numéros, sans autre indication, renvoient au texte même de Blain.
[16]
pp. 6 à 19.
[17]
pp. 19 à 25.
[18]
pp. 36, 57, 63, 66-67 ; il en ressort que Blain était passé au Petit Séminaire avant que n'y entrât Mr. Grignion.
[19]
pp. 84, 81, 104, 112, 150-151 ; 110- 111 ; 35, 84
[20]
pp. 197 à 200
[21]
pp. 28, 56, 64-65, 59-63, 70, 181-187
[22]
pp. 51, 55-56, 64, 78, 115, 116, 36.
[23]
pp. 31-32, 54, 60-61
[24]
pp. 33-34, 50-51, 96, 99-110, 126-130.
[25]
pp. 42, 71-72, 92, 99-100, 116, 120.
[26]
D'après les pp. 230-231, Blain semble être resté à Paris
entre 1700 et 1703. Dans la Correspondance manuscrite de Mr. Tronson, aux Archives de Saint-Sulpice, tome I, n° 599, Mr. Leschassier fait allusion à une lettre de Blain à Montfort, au début de mars 1701.
[27]
pp. 202-216
[28]
pp. 216-217 ; GRIGNION DE MONTFORT,
Œuvres complètes, pp. 43-48, Lettres 15 et 16.
[29]
pp. 259, 258, 275.
[30]
Lettres dimissoires accordées à J.-B. Blain, le 28 août 1704 par l'Official de Rennes, Arch. Dép. Ille-et-Vilaine, G 42 B. Sur là vie postérieure de Blain, FOURE (André),
Jean-Baptiste Blain..., pp. 35- 37, sv. Nous n'avons pu obtenir de précisions sur le séjour de J.-S. Blain à Noyon.
[31]
pp. 262, 179, 287-288, 302, 307, 308-309, 321-322,
327, 346.
[32]
pp. 263-266, 268-269, 271-274
[33]
pp. 330-345. Mr. Grignion veut y exprimer l'opposition,
non entre vie religieuse et mission, mais entre "establishment» et mouvement prophétique.
[34]
pp. 351-359, plus 348-349.
[35]
pp. 224-226.
[36]
pp. 40, 57
[37]
pp. 344-346, 117, 291, 296.
[38]
pp. 8, 24, 30, 214
[39]
pp. 288-294
[40]
pp. 118, 334
[41]
pp. 331 et sv.
[42]
pp. 86, 94 à 180
[43]
pp. 6, 95, 99-103, 240-241.
[44]
pp. 21, 64, 69
[45]
pp. 13, 302, 62-63, 149 ; 301, 308, 313, 314-315, 340,
344-345, 349, 353-355.
[46]
BLAIN (J.-B.),
La vie de Monsieur Jean-Baptiste de la Salle, instituteur des Frères des écoles chrétiennes. Rouen, 1733, tome 1, pp. 114, 88, 90, 93, 96, etc... ; même si, dans cet ouvrage, il ne s'en prend pas directement à la magistrale histoire ecclésiastique de Claude Fleury, il y apparaît nettement opposé à «l'histoire nouvelle».
[47]
NEVEU (Bruno),
Sébastien Le Nain de Tillement (16371698) et l'érudition ecclésiastique de son temps, dans Religion, érudition et critique, à la fin du XVII° siècle et au début du XVIII° siècle, Paris, 1968, pp. 28-31.
[48]
pp. 12-13 et aussi 18.
[49]
pp. 19-20, aussi 65 ; 201, aussi 215, 217, 310 où le démon prend la figure de l'envie, de la jalousie.
[50]
Sur les tendances d'un historien comme Claude Fleury,
voir GAQUERE (François), La vie et les œuvres de Claude Fleury, 1640-1723, Paris, 1925, pp. 3O3-332, 408-409 ; dans l'autre tendance, un Père Honoré de Sainte-Marie, carme, qui prend position contre le jansénisme.
[51]
FOURE (André),
Jean-Baptiste Blain (1674-1751), chanoine de Rouen, pp. 37, 39.
[52]
pp. 210, 328
[53]
BLAIN (J.-S.),
La vie de Monsieur Jean-Baptiste de La Salle..., tome II, pp. 201-218.
[54]
A défaut d'une analyse de la culture ecclésiastique,
vers 1700 (et jusqu'au XX° siècle), qui reste à faire, on peut déjà saisir certains aspects de cette culture dans TRONSON (Louis) Examens particuliers sur divers sur divers sujets propres aux ecclésiastiques et à toutes les personnes qui veulent s'avancer dans la perfection, Paris, 1690, et dans un opuscule d'un sulpicien (sans doute Antoine Brenier), Orientations spirituelles. Le programme ascétique d'un sulpicien, à la fin du XVII' siècle, publié dans Compagnie de Saint-Sulpice. Bulletin des études, n° 18, 1957, pp. 627-636. C'est en nous référant à de telles sources, que nous essayons de discerner, chez Blain, des éléments de cette culture ecclésiastique.
[55]
pp. 304-306, plus 188.
[56]
p. 113.
[57]
p. 316
[58]
pp. 189, 24, 67-69, 174-175, 232-237, 296-297, etc
... FOURE (André), Jean-Baptiste Blain..., p. 48, donne un aperçu des ouvrages historiques que contenait la bibliothèque de Mr. Blain.
[59]
pp. 86-89.
[60]
pp. 89, 97, 136-155, 325, etc
...
[61]
p. 22.
[62]
pp. 12-13.
[63]
pp. 12, 187, 120, 176-177.
[64]
pp. 68, 126-129
[65]
pp. 33, 67-6a
[66]
pp. 181-182.
[67]
Sur la biographie spirituelle au XVII° siècle, on trouve
des éléments dans POURRAT, Biographies spirituelles, Epoque moderne, colonnes 1690-1696 et 1710-1715 du Dictionnaire de spiritualité, tome I.
[68]
pp. 11-12, 25, 40, 59, 349 ; pp. 7, 36, 45, 56, 70, 115.
[69]
pp. 11-12, 18-19.
[70]
p. 22.
[71]
pp. 288-289, 22-23, 116-118, 247, 284-285, 300
[72]
pp. 12-14, 26-27, 35, 47, 71, 78-80, 180-185, 340.
[73]
pp. 1-2, 34-35, 43, 47.
[74]
pp. 70-76, 19, 26, 34-35, 43-44, 47, 96, 111, 185, 221.
[75]
pp. 8, 17, 31-32, 211-214, 251
[76]
pp. 23-25, 258-259, 280-281, 317, 331-332
[77]
pp. 199-201, 17.
[78]
pp. 78-81, 182
[79]
pp. 77, 314-315
[80]
pp. 336-337, 306.
[81]
pp. 336-339.
[82]
pp. 139-140, 31-32, 71-72, 79-80
[83]
pp. 334-335, 324-325, 291-293, 333-337
[84]
pp. 47-48, 96-97.
[85]
pp. 221-222
[86]
pp. 335-339.
[87]
pp. 332-337, 183-184, 340.
[88]
Le lecteur plus directement soucieux de connaître la personne de Mr. Grignion lira de préférence les
pp 1-2, 6-9, 11i-19, 23-24, 36-37,46-48, 53-56, 69,-63, 71-7277-78,103-107, 125-131, 139-140, l80-188, 196-200, 238-243, 247 259-262, 281-295', 299-300, 313-316, 323-325, 330-340, 343-345, 349-350.



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